Une première école primaire virtuelle certifiée en Ontario


La Presse
Marie Allard

Le Jeudi 12 Décembre 2002 «Tous les jours, mon fils Logan se précipite pour faire des maths!» On l’aura deviné: le gamin de Sue Kowal, une mère de famille de St. Catharines, en Ontario, n’est pas inscrit à n’importe quelle école. L’élève de neuf ans fréquente plutôt LinkonLearning, la première école primaire virtuelle reconnue par le ministère de l’Éducation de l’Ontario.

Depuis l’ouverture officielle de cette institution privée, ce lundi, 27 parents y ont inscrit leur petit, en payant des frais de scolarité de 400$ par année. Quelques milliers d’enfants -dont ceux de Sue Kowal, qui leur enseigne à la maison- ont cependant déjà pu tester les programmes au fil des derniers mois. L’établissement virtuel s’apprête maintenant à étendre ses salles de classes d’un océan à l’autre, Québec compris.

Le mot d’accueil de «l’école» rend pourtant sceptique : «Bienvenu (sic) à LinkonLearning, y lit-on. S’il vous plaît la souris par-dessus un sujet pour apprendre nous aidons des enfants réussissent (re-sic).»

Plus loin, le «professeur» semble toutefois retrouver ses moyens. «L’éducation personnalisée que votre enfant recevra en utilisant notre programme fera la différence entre l’échec et la réussite dans certaines matières. LinkonLearning est, en fait, le professeur privé de votre enfant, en ligne 24 heures par jour. Il n’y a qu’à cliquer.»

«En anglais, le site va très bien, mais la version française n’est pas encore au point», reconnaît Janice Frohlich, la présidente de la compagnie basée à Newmarket, en Ontario. «Notre objectif est d’offrir le programme en français d’ici un an, selon l’appui que nous recevrons de la communauté francophone et des ministères de l’Éducation du Nouveau-Brunswick et du Québec. Notre implantation dans ces provinces se fera cependant plus lentement qu’ailleurs.»

LE MEQ N’AUTORISE QUE LES ÉCOLES NON VIRTUELLES

Au ministère de l’Éducation du Québec (MEQ), Johanne Méthot, agente de communication, indique que «si LinkonLearning veut offrir des programmes à 400$ par année, elle doit être considérée comme une école privée». Il lui faut, conséquemment, «faire parvenir une demande de subvention au MEQ, qui étudiera alors ses programmes», explique Mme Méthot.

Un pépin attend cependant l’école virtuelle. Selon l’article 14 de la Loi sur l’enseignement privé, le ministre peut «autoriser l’établissement à dispenser, par formation à distance, les services éducatifs ou catégories de services éducatifs qu’il détermine, pourvu que l’établissement dispense ces mêmes services aux élèves le fréquentant». LinkonLearning devrait donc ouvrir une école non virtuelle pour avoir droit d’offrir ses services sur Internet.

EST-CE EFFICACE AU PRIMAIRE?

Quant au curriculum de l’établissement ontarien, il comprend à l’heure actuelle neuf matières, offertes pour tout le primaire. Deux examens testés hier se sont avérés de difficultés très diverses, l’auteure de ses lignes ayant récolté 100% en géographie, puis 50% en sciences sociales, bien après avoir complété son cours élémentaire…

Sue Kowal est, en tout cas, très satisfaite de ce tuteur virtuel. «Désormais, mon fils vient à bout de comprendre les fractions et ma fille de cinq ans n’a plus peur d’aller d’elle-même vers l’ordinateur, témoigne la mère de famille. Elle y passe une heure tous les jours de la semaine, week-end et récréation compris.» Des forums de discussions et des jeux éducatifs sont effectivement prévus pour meubler les pauses des élèves.

Seuls désavantages de LinkonLearning, selon Mme Kowal: le programme n’offre pas de cours de langues secondes et coûte un peu cher par tête de pipe. «Il reste que j’ai acheté bien du matériel éducatif qui n’a pas servi, souligne-t-elle. Cette fois, au moins, je sais que j’en ai pour mon argent.»

Luc Giroux, le vice-doyen à la faculté des arts et sciences de l’Université de Montréal, s’est beaucoup intéressé à la formation à distance. Il s’interroge quant à lui sur la pertinence de l’existence d’une telle école virtuelle. «La première question à se poser est: y a-t-il une clientèle pour ça? Puis: est-ce efficace comme méthode d’apprentissage pour le primaire?» Aux élèves de LinkonLearning de donner les réponses, à la fin de l’année scolaire, bien sûr.